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Enjeux /

Le streaming

SCRIPT

 

À la fin des années 2000, les plateformes de streaming fleurissent, provoquant une mutation à la fois des habitudes de consommation de la musique et des modèles économiques du secteur déjà très fragile et peu stable. En Europe, le français Deezer et le suédois Spotify sont en tête. Offrant une alternative légale pratique et peu onéreuse au piratage, ces plateformes de streaming s’imposent peu à peu comme des acteurs indispensables au secteur de la musique pour lequel la pénétration du numérique avait jusqu’ici représentée une menace. Pourtant très critiqués par certains artistes et défenseurs de droits émettant de nombreux doutes quant à leurs capacités à rémunérer les créateurs de contenus, les éditeurs de musique en ligne sont ceux sur lesquels la majorité du secteur porte aujourd’hui ses espoirs.

 

Essayons d’expliquer un peu pourquoi.

 

Le streaming fonctionne sur trois modèles différents. Le modèle le plus rémunérateur est l’abonnement : pour 10€ par mois, l’utilisateur a accès à toute la bibliothèque en écoute illimitée et sans publicité. Le modèle le moins rémunérateur est à l’inverse le modèle gratuit générant des revenus publicitaires : l’utilisateur peut avoir accès à toute la bibliothèque gratuitement mais en contrepartie son écoute est entrecoupée de publicités. Le modèle gratuit est ce qu’on nomme un produit d’appel qui permet principalement d’écarter progressivement de Youtube et du téléchargement illégal les jeunes qui ne peuvent pas forcément payer. Le troisième modèle est le bundle, c’est-à-dire l’accès aux plateformes de streaming par le biais de son opérateur téléphonique. C’est un modèle intermédiaire en terme de revenus qui proviennent d’un faible pourcentage des abonnements téléphoniques.

 

Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas un revenu précis par stream : ce chiffre-là est très bas et correspond à une moyenne faite à partir de toutes les sources de revenus différentes. En effet, ces trois modèles principaux de rémunération sont imbriqués et permettent de constituer une assiette de revenus ensuite répartis entre les artistes en fonction du nombre d’écoutes et des contrats signés avec les majors ou distributeurs digitaux. Le problème, aujourd’hui, est que la valeur s’échappe à plein d’endroits différents, et que les plateformes ont du mal à dégager des marges importantes. Par exemple, alors que le modèle par abonnement est le plus rémunérateur, Apple prend 30% de la valeur de l’abonnement tous les mois si l’écoute se fait via l’application d’App Store...

 

En tout cas, ce système de rémunération basé sur un accès illimité aux oeuvres est fondamentalement nouveau et c’est ce qui crée de la confusion autant dans le grand public que dans l’industrie musicale. Le modèle du streaming n’est pas comparable avec l’ancien modèle de vente : dans ce nouveau modèle économique, les revenus des producteurs et des artistes sont étalés sur une période bien plus longue — pratiquement à l’infini ! Ils sont donc certes très faibles à un moment donné, mais perdurent dans le temps, ce qui n’était pas le cas avant. C’est ce défaut de compréhension qui entretient la diabolisation des plateformes de streaming quant à leur répartition de la valeur. Il est pourtant difficile de blâmer des sociétés qui reversent plus de 70% de leurs recettes aux ayants droits et qui ne sont même pas encore rentables...

 

Pour calmer les tensions concernant les revenus du streaming, il faut donc bien comprendre les modalités de ce nouveau modèle économique et ses avantages, mais il faut également ne pas perdre de vue que les plateformes de streaming sont en plein développement : en effet, les plateformes encore jeunes ont montré une hausse fulgurante de leurs revenus en l’espace de 2 ans, et il ne faut pas perdre de vue que plus ses revenus seront grands, plus l’assiette à répartir sera importante et ainsi plus les rémunérations par artiste augmenteront !

 

Les leviers potentiels de développement de la valeur générée par le streaming suivent principalement deux canaux : tout d’abord, il y a une grande marge de développement de l’audience en France. Le nombre d’abonnés payants devrait continuer à grossir, faisant augmenter considérablement les revenus liés aux abonnements. Le nombre d’abonnés gratuits devrait également continuer à croître, augmentant quant à lui les investissements publicitaires. En effet, alors que la cible s’avère intéressante, les annonceurs investissent encore très peu sur les plateformes de streaming : la publicité reste peu optimisée et les données des plateformes peu exploitées.

 

Il s’agit de laisser du temps à ces plateformes de mettre en place de nouvelles habitudes de consommation, de dégager plus de bénéfices, et ainsi d’avoir plus d’argent à redistribuer. Loin d’être le responsable de la fuite de la valeur dans le secteur musical, le streaming est peut être à l’inverse ce qui lui permettra de retrouver la prospérité.

 

 

 

Pour aller plus loin

> Fiche Acteur / Deezer et l'ESML

> Fosse / Vision des plateformes pure players

> Enjeux / La crise de l’industrie musicale

> Enjeux / La médiation Schwartz

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