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Chronologie /

Focus sur l'action gouvernementale

dans le secteur de la musique

SYNTHÈSE
 
Dès 2010, Patrick Zelnik avait cerné les deux principales zones de flou qui, si elles ne devaient pas être régulées, se devaient au moins d’être clarifiées: les difficultés à déterminer la rémunération des artistes et la répartition de la valeur pour le streaming et le téléchargement de musique en ligne, ainsi que la situation ambiguë des webradios dont le statut reste encore en 2016 indéterminé. La licence globale, défendue encore corps et âme par l’Adami et la Spedidam qui avaient proposé cette solution dès 2005, fut définitivement écartée du débat, et celui sur l’idée d’un système de gestion collective pour le streaming et le téléchargement fut ouvert. C’est le point de départ du combat que les majors, représentées par le Snep, menèrent jusqu’à aujourd’hui pour empêcher la mise en place d’un tel système.
 
Un an après, la Mission Hoog échoue face au blocage des producteurs et aucun consensus n’est trouvé autour d’un système de gestion collective des droits pour la diffusion de la musique en ligne. A la place de ça, 13 engagements pour la musique en ligne sont pris, garantissant si ce n’est une gestion collective, plus de transparence et de stabilité entre les producteurs et les artistes. Ces engagements sont vus comme une première avancée pour le secteur, annonçant en outre un renforcement des aides de l’Etat pour l’industrie de la musique.
 
Deux ans et demi après, constatant que les engagements signés n’avaient pas permis une réelle amélioration des rapports et du partage au sein du secteur, la Mission Lescure est lancée. Cette mission soulève de nombreux nouveaux débats et vient donner la parole à de nouveaux acteurs, encore restés muets jusqu’ici. En effet, en proposant l’instauration d’une nouvelle taxe sur les objets connectées, elle questionne pour la première fois le rôle des géants d’internet dans la répartition de la valeur. Ces grands acteurs — j’ai parlé des télécoms ou des hébergeurs américains Google et YouTube — font peur par leur puissance. S’attaquer à eux paraît être un gros défi perdu d’avance. Mais la mission Lescure se permet aussi de remettre en cause Hadopi et avec elle la lutte contre le piratage, qui étaient jusque là si chères au gouvernement et aux “puissants” de la filière — qui arrivaient à garder leur pouvoir dans les négociations et ainsi à sauvegarder ce qui faisaient leur force — la Sacem, et les majors. Pour la première fois aussi, une association représentant les consommateurs est appelée à s’exprimer — le CLCV — de même que de nouveaux acteurs représentant les producteurs indépendants: la Felin et CD1D. Les internautes sont aussi représentés par la Quadrature du net. C’est aussi l’arrivée de la GAM — Guilde des artistes de la musique, créée en 2013 — dans la discussion publique. Cette mission se veut vraiment ouverte à tous. Outre ces nouvelles propositions, la mission Lescure remet un point d’honneur sur la nécessité d’un système de gestion collective pour le streaming et celle de l’extension du régime de la rémunération équitable au webradios linéaires. Les artistes et les indépendants se sentent alors écoutés, les enjeux semblent clairs et des solutions paraissent se dessiner.
 
Avant de mettre en place les recommandations faites par la mission Lescure, le Gouvernement souhaite clarifier les rapports financiers entre les différents acteurs de la filière pour pouvoir ensuite prendre les mesures nécessaires. De cette n ème mission — la Mission Phéline — ne seront sauvegardés que l’idée de gestion collective pour le streaming et le téléchargement et celle de rémunération équitable pour les webradios. Les enjeux concernant Hadopi et de potentielles taxes sur les télécoms et autres objets connectés disparaissent. Le secteur commence à s’impatienter, nombre d’acteurs demandant que l’on prenne enfin des mesures concrètes et que le gouvernement agisse ! Les producteurs quant à eux — le Snep et l’Upfi — remettent tout en cause: ils continuent de participer, mais pour eux, le gouvernement et les points sur lesquels il se concentre, sont dépassés, le marché de la musique en ligne évoluant bien plus vite que les négociations. Ayant compris que ces débats n’allaient pas dans le sens de l’essor d’un grand marché de la musique en ligne pouvant bénéficier à tous les acteurs de la filière, mais qu’ils se concentraient sur des enjeux en constante mutation sans avoir une vision vers l’avenir, certains acteurs n’ont même plus voulu prendre part au débat. CD1D par exemple, se sentant exclu des discussions et non écouté, n’intervient plus et décide de développer des projets sans compter sur l’aide du gouvernement.
 
Arrive alors la Mission Schwartz en septembre 2015, cinq ans après la Mission Zelnik. C’est l’heure des dernières discussions avant le vote de la Loi Création qui permettrait d’asseoir certaines décisions signées. Malgré le retrait de l’Adami et de la Spedidam, l’accord est signé par 18 acteurs de la filière musicale. La Spedidam dénonce alors l’utilisation de la GAM— qu’elle ne considère absolument pas comme représentante des artistes —  par le gouvernement pour légitimiser l’accord signé. Légitime ou non, un accord a été signé, et cela suffit pour dire que la filière s’entend à présent. Mais sur quoi celle-ci s’entend-t-elle ? Le besoin d’établir un cadre légal européen montre bien à quel point il est nécessaire de réfléchir à plus large échelle. Sachant que tous les enjeux liés au numérique sont des enjeux internationaux, la filière doit-elle continuer à réfléchir à l’échelle nationale ? Certes, la consommation musicale reste globalement nationale: la culture musicale n’est pas encore une culture mondialisée même si les français écoutent beaucoup d’artistes internationaux, les artistes français s’exportent très peu. Il y a donc bien un marché national avec des acteurs nationaux, mais ceux-ci utilisent des outils qui dépassent les frontières et collaborent avec des plateformes pour qui le marché français ne correspond qu’à une toute petite partie de leur champ d’activités. Leur demander de respecter une exception française n’est pas envisageable. La Mission Schwartz ne semble donc pas non plus prendre en compte les enjeux de son temps : le numérique n’a pas de frontières ni d’attache au respect de la culture.
 
 
2005-2006/
Projet de loi DADVSI
Sous l’impulsion d’une directive européenne, cette loi visait à harmoniser le droit français aux normes européennes concernant de multiples aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.
 
 
Novembre 2007/
Mission Olivennes
Mission commandée par le Ministère de la Culture qui aboutira à la publication du rapport éponyme. Elle avait pour objectif de trouver des moyens de protéger le droit d’auteur sur les réseaux numériques, et de favoriser le développement en ligne d’une offre culturelle diversifiée et légale.
Elle conduira à la mise en place d’Hadopi.
 
 
2009/
HADOPI
Concept — la réponse graduée:Instaurée par la loi Hadopi en 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la réponse graduée est le système grâce auquel l’Hadopi devait permettre de mettre un terme au téléchargement illégal (piratage): l'internaute téléchargeant illégalement devait être averti plusieurs fois avant d'être éventuellement condamné.
Cette loi avait pour vocation d’encourager le développement de l’offre légale (plateformes de streaming payantes ou non).
 
 
Janvier 2010/
MISSION ZELNIK
sur le développement de l’offre légale en ligne
Rapport Création et Internet
A l’initiative du ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterand, Patrick Zelnick (éditeur de musique, ancien président du SNEP et du groupe Virgin), Jacques Toubon (ancien ministre de la culture) et Guillaume Cerutti (chef d’entreprise) écrivent un rapport sur le développement de l’offre légale en ligne.
Ils préconisent une gestion collective de la rémunération des ayant droit pour le streaming, pour rééquilibrer le rapport de force inégal entre majors et labels indépendants dans leurs relations aux plateformes de streaming. Les majors (avec leur syndicat le SNEP) critiquent cette préconisation qui leur semble être “une mauvaise solution à partir d’un mauvais diagnostic”.
 
 
Janvier 2011/
MISSION HOOG
sur la gestion des droits de la musique en ligne
Signature des “13 engagements pour la musique en ligne”
le Ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand demande à Emmanuel Hoog (alors président de l’INA) de trouver un consensus dans le secteur pour mettre en place la gestion collective. À la fin de la mission, le consensus reste inaccessible et l’instauration d’une gestion collective pour la diffusion de la musique en ligne est écartée, du fait du blocage des producteurs. 13 engagements pour la musique en ligne sont néanmoins signés par tout les acteurs concernés. Ils s’engagent notamment à plus de stabilité et de transparence dans les contrats plateformes/labels, et une meilleure rémunération des artistes interprètes. Si les engagements sont tenus, l'Etat prévoit de soutenir financièrement le secteur (TVA réduite et crédit d'impôt notamment).
 
 
Mai 2013/
MISSION LESCURE
sur l’avenir de l’exception culturelle française dans le contexte numérique.
Rapport CULTURE-ACT 2
La ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti confie à Pierre Lescure (journaliste, homme de radio et de télévision), un rapport sur l’avenir de l’exception culturelle française. Les principales recommandations de la mission préconisent :
-une taxe sur les smartphones (qui permettrait d’obliger les grosses entreprises à reverser une partie de leurs revenus à l’industrie musicale). Les syndicats d’artistes se montrent favorables à cette recommendation. Les producteurs ainsi que la SACEM la critiquent :
-la suppression de l’Hadopi, tout en transférant ses missions au CSA. Les syndicats de producteurs critiquent cette décision : La réponse graduée mise en œuvre par l'Hadopi a produit des effets très significatifs. Les syndicats d’artistes approuvent globalement cette décision, constatant qu’Hadopi avait opposé les créateurs à leur publics, nui à l'image des producteurs et au consentement à payer des usagers. Ils sont opposés à la transformation de la rémunération pour copie privée en une taxe sur les terminaux connectés, qui serait affectée au budget général de l’Etat plutôt qu’aux ayants droit.
Enfin, la question de la gestion collective pour la rémunération revient à l’ordre du jour, toujours avec un refus des syndicats de producteurs.
 
 
Décembre 2013/
MISSION PHÉLINE,
"Musique en ligne et partage de la valeur: état des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi"
La Ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti confie à Christian Phéline (de la Cour des comptes) cette mission pour clarifier les enjeux d’une gestion collective. le rapport Phéline conclut qu’il y a un manque de transparence dans la filière, dont témoigne le constat des études contradictoires entre l’Adami et le Snep. Christian Phéline recommande donc la création d’un médiateur de la musique, et réitère la nécessité de mettre en place un système de gestion collective. Les syndicats d’artistes sont globalement satisfaits, la Spedidam pensant tout de même que les conclusions sont insuffisantes. Les syndicats de producteurs dénoncent un rapport décalé par rapport à la vitesse de progression du marché de la musique en ligne, et se trompant d’enjeu. Pour eux, l’essentiel n’est pas de se concentrer sur le partage d’une très faible valeur mais de créer les conditions permettant l’essor d’un grand marché de la musique en ligne qui bénéficierait à tous les acteurs de l’industrie musicale.
 
 
Été 2015/
MISSION SCHWARTZ
pour un développement équitable de la musique en ligne.
Mission initiée sous le Ministère de Fleur Pellerin alors Ministre de la Culture et de la Communication. Les débats portent en effet sur le partage de la valeur à l’ère du numérique. Débats qui auront exacerbé les tensions entre les différents acteurs (artistes, producteurs, majors, distributeurs… ) notamment par rapport à la loi Hadopi et la licence globale souffrant d’un désamour global.
A savoir que cette mission n’est pas appréhendée de la même façon selon les acteurs. Si certain trouveront qu’elle est essentielle à l’instauration d’une loi régulatrice, qui permettrait d’aboutir à un terrain d’entente, d’autres se positionnement davantage en la faveur d’une régulation soft qui passerait par une charte.
> Enjeux / La Médiation Schwartz
 
 
 
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